Pourquoi les voitures électriques ne sauveront-elles pas le monde ? - EcoBuddhism
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Pourquoi les voitures électriques ne sauveront-elles pas le monde ?

Depuis le début du 20ième siècle, les voitures sont la pierre angulaire d’un monde industrialisé.

Elles ont pour principal objectif de transporter des personnes de leur maison vers leur lieu de travail, de leur lieu de travail vers leur domicile ou tout simplement d’un endroit à un autre de la ville.

Dès lors, la voiture est devenue plus qu’une nécessité cruciale pour la majorité d’entre nous. Cependant, pour certaines personnes, il semblerait que la voiture soit devenue quelque chose d’un peu plus important.

Dans ce monde impérialiste, nous avons construit nos vies autour d’un engin polluant qui consomme essentiellement des combustibles fossiles.

En effet, jusqu’à récemment, lorsque la voiture électrique semble devenir une sorte d’alternative fiable, beaucoup de conducteurs de voiture désirent s’approprier une voiture électrique.

Il y’a à peine 10 ans, en 2012, 130 000 voitures électriques étaient vendues dans le monde entier. Ce chiffre représentait 0,17% du marché automobile. 9 ans plus tard, 6,6 millions de voitures électriques ont été achetées, soit 8,5% des ventes mondiales de voiture pour l’année en question.

Les bornes de recharge fleurissent à travers l’Europe, les Etats Unis ainsi que la Chine. Les bourdonnements silencieux des moteurs électriques bénissent les rues de leur silence.

En théorie, c’est excitant. Les automobilistes font la queue pour passer des véhicules énergivores à des voitures propres et électrifiées,tandis que les grands constructeurs automobiles, ont presque déclaré la fin du moteur à combustion interne1.

Mais tout au long de ce récit, je ne peux m’empêcher de penser qu’il manque quelque chose. Est-ce le chemin que nous voulions vraiment emprunter ?

Les voitures électriques sont-elles la solution la plus efficace pour un transport sans émission de carbone ? Existe-t-il une meilleure voie à suivre ?

Les voitures électriques sont-elles vraiment efficaces ?

Si vous regardez la plupart des vidéos sur Tesla, vous commencerez forcément à croire qu’il s’agit d’une voiture miracle. Propre, verte et chic, Tesla a construit avec succès une marque qui allie l’exclusivité à un complexe d’éco-supériorité.

Mais même si les propriétaires des véhicules Tesla ainsi que les propriétaires des véhicules électriques en général, veulent croire que leurs voitures sont sans culpabilité, ils se trompent lourdement.

Non seulement, les véhicules électriques génèrent encore des émissions tout au long de leur durée de vie, mais l’expansion de l’industrie des voitures électriques pourrait maintenir l’extraction impérialiste dans les pays du Sud pour les décennies à venir.

En termes d’émissions, l’évaluation du cycle de vie a mis en évidence une chose : la voiture électrique est nettement plus propre que sa cousine à essence 2.

Cela étant dit, l’extraction des matériaux, la fabrication et la charge nécessaire pour mettre les voitures électriques sur la route créent toujours une bonne quantité d’émissions.

Une voiture électrique de taille moyenne en Europe, par exemple, crée environ 83 grammes d’équivalent en dioxyde de carbone pour chaque kilomètre parcouru au cours de sa durée de vie.

A titre de comparaison, une voiture de taille similaire, équipée d’un moteur conventionnel émet l’équivalent de 250 grammes de dioxyde de carbone par kilomètres.

A l’heure actuelle, les émissions de cycle de vie des voitures électriques en Europe sont d’environ de 69% inférieures à celles des voitures à essence.

Cette fourchette, tombant un peu plus bas aux Etat Unis avec environ 68 % et d’en moyenne  45 %  en Chine. Et ces chiffres continuent de baisser, à mesure que les réseaux électriques se décarbonent.

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Mais une sombre réalité sous tend certains de ces chiffres prometteurs. Les conséquences matérielles d’un passage complet aux voitures électriques sont énormes.

Michael Kelly, professeur de technologie à l’université de Cambridge estime prudemment que si tout le Royaume-Uni passait aux véhicules électriques, il aurait besoin d’un peu moins du double de la production annuelle de cobalt, des trois quarts de la production mondiale de carbonate de lithium et plus de la moitié de la production annuelle mondiale de cuivre.

Et il ne s’agit là que du Royaume-Uni. Il y a environ 1,4 milliards de voitures sur les routes actuellement, la demande de ressources pour passer aux moteurs électriques exercera une pression immense sur les pays de la périphérie impériale qui fournissent déjà la majorité des métaux et matériaux précieux pour les voitures électriques3.

Cette relation extractiviste a conduit à des conditions d’exploitation minière impensables dans le monde du Sud afin que la population des pays du Nord puissent se déplacer sans émissions et profiter d’articles technologiques de luxe.

A certains égards, nous pourrions remplacer le pétrole par des métaux précieux et des matières premières. Et en regardant vers l’avenir, il n’est pas trop loin d’imaginer que les Etats unis entrent en guerre pour protéger les gisements de lithium au lieu des intérêts pétroliers.

Les voitures électriques incarnent les relations impérialistes mais même si les voitures électriques étaient une option de transport parfaite, les projections les plus optimistes suggèrent que la flotte américaine ne sera électrifiée qu’à environ  50% d’ici 2050.

Un nombre, bien en dessous de ce que nous devons maintenir à moins de 2°C du réchauffement climatique4.

Tout cela pour dire que les voitures électriques émettent moins que les véhicules à essence tout au long de leur vie mais elles ne constituent toujours pas l’option de transport la plus propre ou la plus éthique qui soit.

Elles sont une solution palliative.

Un système de transport, véritablement sans carbone et anti-extractiviste ainsi qu’anti-impérialiste, est très différent des rues tentaculaires des Etats Unis et des vastes réseaux routiers du monde.

Donc afin de comprendre ce dont nous avons besoin, nous devons sortir de notre garage, descendre la rue, et sauter dans un bus.

Que devrions-nous faire à la place ?

Dans le blockbuster à succès Marvel, Black Panther, il y a un bref plan qui donne un aperçu de ce à quoi ressemble un transport propre et accessible.

Nous pouvons apercevoir le marché animé de Wakanda avec un tramway de haute technologie flottant à travers une masse de personnes. Pas une seule voiture en vue. Alors que la voiture électrique est peut-être plus verte, nous devons nous poser des questions plus larges.

Quel est le moyen de transport le plus accessible et le plus juste ? Comment pouvons-nous déplacer le plus de personnes d’un point A à un point B sans une demande importante d’extraction et d’électricité ?

Le plus souvent, la réponse à ces questions est la gratuité, l’électrification et surtout des systèmes de transport en commun étendus.

Les transports en commun peuvent fondamentalement changer une ville et en fin de compte notre relation avec les voitures.

Et s’il est bien fait, il a le potentiel de transporter des millions de personnes avec une empreinte carbone considérablement réduite, de faire diminuer la pollution de l’air, d’augmenter la mobilité des personnes à faible revenu et de réduire la circulation et les décès liés à la circulation.

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Transport sans voiture

futur sans voiture
Tokyo, un modèle de ville sans voiture où chaque jour, 8 millions de personnes empruntent le réseau ferroviaire.

A Tokyo, le métro est roi. Chaque jour, plus de 8 millions de personnes empruntent le vaste réseau ferroviaire public.

Pour une ville immense comme Tokyo, il s’agit d’une réalisation importante, en particulier parce que les systèmes de métro électrifiés ont une faible empreinte carbone par passager, par rapport aux voitures à un seul passager.

Une évaluation de cycle de vie en 2013 des lignes de tramway de Los Angeles a révélé qu’elles émettent beaucoup moins de dioxyde de carbone  au cours de leur durée de vie.

La majeure partie des émissions provenant du béton nécessaire pour construire un tel système tandis qu’une autre étude de bus diesel entièrement emballé pourrait émettre un peu plus de 50 grammes de dioxyde de carbone.

Et ce qu’il est important de noter c’est que ces chiffres chutent lorsque le réseau électrique passe à une énergie plus propre et lorsque davantage de personnes prennent le transport en commun.

En effet, une étude récente sur les bus électriques à Trondheim en Norvège a révélé que l’électrification des bus peut réduire leur empreinte carbone de 52% . De plus, les demandes matérielles sont bien moindres par personne pour les bus et les trains.

Ainsi au lieu de passer aux voitures électriques, nous devons plutôt adopter le transport électrifié. Notre demande d’énergie et de matériaux diminuerait considérablement.

Mais ce n’est pas si simple de se débarrasser de votre voiture et de prendre le bus. Il existe un certain nombre d’obstacles qui rendent l’utilisation des transports en commun peu attrayante pour beaucoup d’entre nous.

Le coût est important, de nombreux métros et bus coûtent entre 1 euro 96 et 4 euro  pour un seul trajet. Ce qui n’est pas trop mal si vous n’utilisez qu’occasionnellement le métro. Mais si vous vous déplacez en train plusieurs fois par jour, le coût est certainement additionné.

Certaines villes ont déjà supprimé les tarifs du métro. Lorsque la ville de Tallinn en Estonie a rendu gratuits tous les transports en commun, elle a constaté une augmentation de 14% de la fréquentation après un an, avec la preuve que les personnes à faible revenu étaient plus mobiles5.

Malheureusement les embouteillages n’ont pas changé et l’augmentation de l’achalandage est principalement venue de personnes qui auraient fait du vélo ou marché.

De ce fait, la gratuité des transports publics n’est qu’une partie du puzzle afin de favoriser une transition loin des voitures.

Les lignes de train et de bus  doivent également être pratiques et étendues. Cela implique des bus et des trains qui circulent réellement à l’heure et extrêmement souvent comme toutes les cinq minutes.

Cela signifie de bien payer les employés des transports en commun. Et il y a beaucoup de personnes qui doivent gérer et entretenir le système.

Cela nécessite des transports en commun dans tous les quartiers, pas seulement en ligne reliant des quartiers blancs riches à un quartier d’affaires du centre-ville. Mais plutôt, il va falloir réinventer  les lois de zonage afin que les magasins et les maisons soient côte à côte plutôt qu’à des kilomètres les uns des autres.

Cela signifie aussi qu’il faut s’assurer que les arrêts de bus, les gares et les véhicules eux-mêmes soient accessibles aux personnes handicapées.

Cela signifie dans la même optique, qu’il faut encourager la marche et le vélo sur des pistes cyclables plus sûres et des zones réservées aux piétons.

Toutes ces actions nécessitent des changements importants dans la façon dont nous naviguons et en fait, comment nous envisageons nos communautés.

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Mais étant donné que le destin même du monde est en jeu, cela vaut certainement la peine d’être fait.

Vers un monde sans voiture

En matière de transport, la décroissance, plutôt qu’un boom de la voiture électrique, doit être une priorité.

La construction d’un parc de centaines de millions de nouvelles voitures électriques ne fera que verrouiller des décennies supplémentaires d’exploitation impérialiste de la périphérie et ne résoudra pas les causes profondes du changement climatique.

Les voitures électriques exerceraient une pression immense sur un réseau déjà sollicité et nécessiteraient beaucoup plus d’énergie renouvelable pour compenser la demande d’électricité supplémentaire6.

Si nous avons déjà du mal à répondre à la demande actuelle d’électricité avec de l’énergie propre, pensez à ce qui se passerait si chaque moteur à combustion interne était remplacé par un moteur électrique7.

Nous devons donc imaginer des villes et des villages construits autour des personnes et non des voitures.

Mais ce type de décroissance ne se produira pas du jour au lendemain. Elle doit être facilitée par des changements d’infrastructure massifs qui découragent les voitures et rendent les transports publics plus attrayants.

Cela peut-être aussi simple que de rendre les bus gratuits, mais doit finalement aboutir à un réseau de transport hautement connecté, de sorte qu’il soit non seulement pratique mais attrayant de monter dans le wagon ou le bus pour se rendre chez nos amis, par exemple.

En matière de transport, notre priorité devrait être d’envisager un monde sans voiture où les villes sont accessibles à pied et à vélo et aussi adapté aux personnes handicapées.

Ce sera un monde où les transports publics rapides et électriques seront le principal mode de transport. Un monde avec des villes qui ressembleraient beaucoup plus à Wakanda qu’à Los Angeles.

Un monde qui déploie une flotte de 16 000 bus électriques pour amener les gens là où ils doivent aller chaque jour.

Et si vous êtes curieux de savoir s’il y’a une ville qui travaille déjà à cet objectif, sachez qu’il existe déjà des villes qui sont bien engagées vers la gratuité des transports en commun et vers une utopie sans voiture.

Références : 

  • 1- General Motors, planifie de ne construire que des véhicules électriques d’ici 2035. CNBC publication du jeudi 28 janvier 2021.
  • 2- Comparaison mondiale du cycle de vie des émissions de gaz à effet de serre des moteurs à combustion et des voitures électriques. Une revue d’ ICCT
  • 3-  Les travailleurs Congolais dénoncent un système d’abus, des emplois précaires et des salaires dérisoires pour propulser la révolution des véhicules verts. The Guardian. Publication du Lundi 8 Novembre 2021.
  • 4- Le mythe des voitures électriques : pourquoi nous avons aussi besoin de nous focaliser sur les bus et les trains. The Conversation. Publication du 21 octobre 2020.
  • 5- Les perspectives de la gratuité des transports en commun : une évidence pour Tallinn. Springerlink.com. Publication en ligne du 20 Avril 2016.
  • 6-Les voitures électriques arrivent et vite. Le réseau national est-il à la hauteur ? The New-York Times. Publication du 29 Janvier 2021 par Brad Plumer.
  • 7- Les voitures électriques pourraient augmenter la demande d’électricité de pointe au Royaume-Uni de 3,5 GW d’ici 2030- National grid. Reuters. 

 

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